Les temps d'habillage et de déshabillage doivent-ils donner nécessairement lieu à des contreparties?

Le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties.
Ces contreparties sont accordées soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
Dès lors, les contreparties au temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage sont subordonnées à la réalisation cumulative des deux conditions :
Le port d'une tenue de travail imposée ;
L'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ;
Dans une affaire récemment soumise au contrôle de la chambre sociale de la Cour de casino (Cass. Soc. 10 mai 2023, pourvoi n°21-20.349), des salariés ont vu leurs demandes de rappels de salaire au titre de la contrepartie aux temps d'habillage et de déshabillage rejetées.
Pour quelles raisons ? Les juges du fond ont estimé que les salariés se référaient à leurs contrats de travail qui se contentaient de "préconiser" d'utiliser des vêtements et équipements de sécurité et protection nécessaires à l'exécution de certaines tâches dans les meilleures conditions de sécurité.
Bien plus, les dispositions du règlement intérieur de leur entreprise leur imposait l'utilisation de dispositifs de protection individuels ou collectifs pour l'exécution des tâches confiées au salarié... pas de port de tenue de travail spécifique !
Ainsi pour ces juges, les salariés ne démontraient pas que le port d'une tenue de travail était imposé par des dispositions législatives ou réglementaires, par des clauses conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail, et que l'habillage et le déshabillage devaient être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
D'autre part, selon ces mêmes juges, les travaux d'enrobés de bitume et de goudron dans le domaine de la construction ou de l'entretien des routes ne faisaient pas partie de la liste des travaux salissants,
En résumé, les juges du fonds estimaient que les salariés n'apportaient pas de preuve suffisante de ce qu'ils étaient amenés à exécuter des tâches salissantes justifiant l'obligation de revêtir des tenues de travail adaptées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail.
Dès lors que les salariés occupaient des postes qui ne les mettaient pas en contact direct et permanent avec des produits salissants et insalubres qui les obligeraient à se changer dans l'entreprise ou sur le lieu de travail... aucune raison qu'ils ne bénéficient d'une contrepartie !
Les salariés ont formé un pourvoi en cassation et bien leur en a pris puisque la Haute Cour a censuré le positionnement des premiers juges !
En effet, selon la chambre sociale de la Cour de cassation, les juges du fonds avaient relevé que "le port des accessoires ou dispositifs de protection individuels ou collectifs fournis par l'entreprise nécessaires à l'exécution des tâches confiées aux salariés s'imposait à ces derniers, tant en application du règlement intérieur que des dispositions de leurs contrats de travail, et que l'employeur soutenait lui-même que la seule obligation pesant sur les salariés était de revêtir ces équipements".
Certes, on ne parle pas de tenues de travail à proprement dit... toutefois, par les hauts magistrats, le fait que ces équipements de protection indispensables à l'exécution des tâches des salariés étaient :
1/ mis à leur disposition par leur employeur pour des raisons d'hygiène et de sécurité,
2/ et qu'ils devaient être revêtus et ôtés dans l'entreprise,
suffisait à leur permettre d'obtenir une contrepartie.
Pour être clair, les temps d'habillage et de déshabillage ne concernent pas les seules tenues de travail, mais tous les équipements également indispensables à la protection des salariés et à l'exécution de leurs tâches !