L'employeur ne peut pas modifier sans l'accord du salarié un élément essentiel à son contrat !

Un contrat de travail est amené à s’appliquer dans la durée, et les circonstances peuvent nécessiter son évolution.
Une modification du contrat de travail peut alors être envisagée.
La modification du contrat à l’initiative de l’employeur peut revêtir deux réalités : un simple changement des conditions de travail, ou une modification substantielle du contrat de travail. Cette distinction est essentielle, car la procédure, et les conséquences d’un refus du salarié en dépendent.
L'employeur ne peut pas opérer une modification substantielle du contrat de travail du salarié sans son accord.
Lorsque l’employeur modifie un élément du contrat de travail (rémunération, durée du travail, fonction, suppression d’un avantage en nature), celui-ci doit recueillir préalablement l’accord du salarié, même si cette modification est plus favorable pour le salarié.
L’employeur doit laisser au salarié un délai de réflexion suffisant pour accepter ou non cette proposition de modification.
L’acceptation du salarié doit être claire et non équivoque (Cass. soc., 14-6-23, n°21-22269).
Par principe, son silence ne vaut pas acceptation.
La seule poursuite par le salarié de son travail aux nouvelles conditions ne vaut pas acceptation de cette modification (Cass. soc., 16-11-05, n°03-47560).
L'employeur peut, en revanche, imposer au salarié une modification de ses conditions de travail, même sans son accord.
Si l’employeur ne peut imposer une modification d’un élément essentiel du contrat de travail, il peut, en revanche, en vertu de son pouvoir de direction, imposer unilatéralement un changement des conditions de travail au salarié (ex : modification des horaires de travail, changement de service sans modification des fonctions, ajout de nouvelles tâches de travail correspondant à la fonction exercée…).
En principe, le refus du salarié de se voir appliquer un changement des conditions de travail est un motif réel et sérieux de licenciement.
Dans certaines circonstances, il peut même justifier un licenciement pour faute grave.
Toutefois, existe-il des situations où un salarié peut s’opposer à un changement des conditions de travail qui normalement s’impose à lui ?
Si le salarié démontre que la décision de l’employeur a été prise pour une raison étrangère à l’intérêt de l’entreprise ou qu’elle a été mise en œuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle, celui-ci peut s’opposer à cette modification (Cass. soc., 23-2-05, n°03-42018).
Par exemple, si le changement des conditions de travail vise à nuire au salarié (Cass. soc., 12-3-02, n°99-46034 : condamnation de l’employeur pour avoir modifier les horaires de travail d’une salariée divorcée avec charge d’enfants sans que ce changement soit nécessaire), repose en réalité sur un motif discriminatoire (Cass. soc., 6-6-90, n°88-42242) ou lorsque le salarié n’a pas été informé préalablement, dans un délai raisonnable, du changement des conditions de travail, celui-ci peut s’y opposer.
Le salarié peut également refuser un changement de ses conditions de travail lorsqu’il démontre que ce changement porte une atteinte excessive à sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos (Cass. soc., 3-11-11, n°10-14702).
Par exemple, le fait d’être une mère célibataire d’un enfant en bas âge nécessitant des soins particuliers justifiés par un certificat médical peut justifier un refus de changement des horaires de travail dès lors que celui-ci implique des sujétions particulières (Cass. soc., 16-11-16, n°15-23375).
A l’opposé, une modification des horaires de travail s’impose à une salariée de deux adolescents de 12 et 17 ans sans problème particulier (Cass. soc., 14-2-18, n°16-23042).
Concernant le salarié protégé, aucune modification de son contrat de travail ou aucun changement de ses conditions de travail ne peut lui être imposé.
Il appartient à l’employeur soit d’abandonner son projet soit d’engager la procédure de licenciement, en cas de refus par le salarié de cette modification du contrat de travail ou de ce changement des conditions de travail, en demandant l’autorisation de l’inspection du travail.
Dans l’attente de son éventuel licenciement, le salarié protégé doit être maintenu dans son emploi, aux conditions initiales.
Au regard de l’autorisation administrative, le refus d’un changement des conditions de travail constitue cependant une faute (CE, 27-6-97, n°163522).
Mise en pratique récente
Le 21 juin 2023 (Cass. Soc., 21 juin 2023, pourvoi n°22-12.930), au visa de l'article L. 1221-1 du code du travail, la Cour de cassation est venue rappeler que la rémunération contractuelle d'un salarié constituait un élément du contrat de travail qui ne pouvait être modifié ni dans son montant, ni dans sa structure sans son accord, peu important que le nouveau montant soit plus avantageux. En l'espèce, pour débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel retenait que le salarié n'avait jamais contesté l'augmentation de sa rémunération fixe et le montant de la prime annuelle allouée par l'employeur, acceptant ainsi la modification de sa rémunération qui était plus favorable. La Cour de cassation casse ce raisonnement : "𝐸𝑛 𝑠𝑡𝑎𝑡𝑢𝑎𝑛𝑡 𝑎𝑖𝑛𝑠𝑖, 𝑠𝑎𝑛𝑠 𝑐𝑜𝑛𝑠𝑡𝑎𝑡𝑒𝑟 𝑞𝑢𝑒 𝑙𝑒 𝑠𝑎𝑙𝑎𝑟𝑖𝑒́ 𝑎𝑣𝑎𝑖𝑡 𝑎𝑐𝑐𝑒𝑝𝑡𝑒́ 𝑑𝑒 𝑚𝑎𝑛𝑖𝑒̀𝑟𝑒 𝑐𝑙𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑒𝑡 𝑛𝑜𝑛 𝑒́𝑞𝑢𝑖𝑣𝑜𝑞𝑢𝑒 𝑢𝑛𝑒 𝑚𝑜𝑑𝑖𝑓𝑖𝑐𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑢𝑚𝑜𝑛𝑡𝑎𝑛𝑡 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑠𝑡𝑟𝑢𝑐𝑡𝑢𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑟𝑒́𝑚𝑢𝑛𝑒́𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑣𝑎𝑟𝑖𝑎𝑏𝑙𝑒 𝑐𝑜𝑛𝑡𝑟𝑎𝑐𝑡𝑢𝑒𝑙𝑙𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑝𝑟𝑒́𝑣𝑢𝑒, 𝑙𝑎 𝑐𝑜𝑢𝑟 𝑑'𝑎𝑝𝑝𝑒𝑙 𝑎 𝑣𝑖𝑜𝑙𝑒́ 𝑙𝑒𝑠 𝑡𝑒𝑥𝑡𝑒𝑠 𝑠𝑢𝑠𝑣𝑖𝑠𝑒́𝑠.